Tome 1 : Le T'Sank

Bienvenue à Alamänder, continent mystérieux aux drôles d’animaux de guerre et aux blés redoutables, aux magiciens enquêteurs, aux assassins légendaires, à la drôle de cité enterrée.

Jonas Alamänder (oui, comme le continent, mais appelez-le Jon) est détective spécialisé dans les affaires touchant à la magie. Quand des soldats du pays voisins menacent de raser sa maison, il part pour la capitale avec son espiègle démon de compagnie, dans l’espoir de faire entendre raison à leur souverain.

Autre époque autre lieu, le jeune Maek, fils de paysan, ne rêve que de rejoindre l’élite des assassins en intégrant la légendaire école T’sank, ce qui le mettra sur une voie semée d’épreuves.

Un cadre réellement surprenant face à une intrigue d’apparence assez commune

Ce cycle démarre par un volume d’une grande richesse, centré essentiellement autour de l’univers et du quotidien des protagonistes, pour ne les plonger “dans le vif” d’une intrigue qu’au troisième tiers environ. Les tomes d’introduction ne sont pas toujours heureux, mais Alexis Flamand signe avec Le T’Sank un bel ouvrage. En effet, le continent d’Alamänder, ses règles physiques/biologiques, son histoire, sa géopoitique, ses spécificités, sont tout à fait passionnants. Le lecteur est plongé dans le récit du début à la fin et ne regrette pas ce temps de mise en place tant le résultat est original. Le monde est finalement un personnage à part entière de cette série : complexe et plein de surprises, à l’histoire riche que l’on prend plaisir à découvrir.

La magie suit des principes intéressants, appuyés sur une logique forte et non dénués d’esthétisme. Le virage policier pris lorsque l’intrigue de fond démarre pour de bon est assez classique dans son déroulement mais l’ambiance magique et les particularités d’Alamänder donnent un charme certain.

Du travail pour les zygomatiques

L’humour est omniprésent dans cet ouvrage et en constitue une des principales qualités. A commencer par Kung Bohr, le pays procédurier à l’extrême où tout semble tellement absurde à Jon. Le lecteur ne peut qu’avoir de l’empathie pour le magicien, en total décalage avec ce qui l’entoure et qui tombe régulièrement des nues. Le pauvre n’est pas aidé par son démon farceur et intenable qui provoque plus de catastrophes qu’il n’aide à en résoudre et l’accable de sarcasmes.

Beaucoup d’éléments peuvent paraître familiers à Alamänder : des hommes, des sociétés, une ambiance médiévale… L’auteur détourne la nature de ces éléments pour ajouter la plupart du temps une bonne dose de dérision et dépayse ainsi complètement le lecteur, qui perd ses repères et s’émerveille devant les réalités de ce monde.

Les en-têtes de chapitres donnent un aperçu plus vaste de l’univers au travers d’extraits de traités de magie, d’histoire de Kung Bohr, de manifestes T’Sank… et rajoutent souvent à l’humour du récit notamment grâce à quelques absurdités, jeux de mots ou références plus ou moins fins.

Passer du rire au danger et vice versa avec aisance

Quelle bonne surprise que ce livre. Le style d’Alexis Flamand est soigné, les images qui en ressortent sont sublimes. L’auteur a l’art et la manière d’amener les événements de façon bien visuelle, ce qui ne peut qu’amener le lecteur à être émerveillé, surpris, mais jamais indifférent. L’humour a beau être très présent, l’intérêt du Cycle d’Alamänder est aussi l’habileté avec laquelle le rire se mêle à l’épique ou aux épreuves. La magie peut ainsi être très drôle mais aussi constituer une menace fatale selon la méthode employée. Les échanges entres les peuples frisent le ridicule à l’occasion mais peuvent s’avérer également violents et très meurtriers. La partie du récit se concentrant sur Jonas se révèle majoritairement drôle alors que la partie se concentrant sur Maek, au parcours initiatique fascinant, est très éprouvante. Pourtant l’enquêteur subira lui aussi des épreuves violentes et l’équilibre entre rire et tension est bien orchestré par Alexis Flamand.

Humour fin, univers original, personnages amusants ou impressionnants, écriture de qualité, pour finir sur une enquête et des mystères… Ce premier volume du Cycle d’Alamänder est un très bon roman de fantasy, d’une densité certaine malgré son apparence avant tout farfelue. A lire, ne serait-ce que pour découvrir ce continent fabuleux et se payer une bonne tranche de rire au passage.

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