Tome 1 : Le T'Sank

« Dites adieu aux orques, aux elfes, aux dragons! ». La phrase introductrice de la 4ème de couverture lance le ton. De deux manières. La première c’est que vous ne trouverez aucun de ces archétypes de la fantasy. La deuxième, c’est qu’en lisant cette phrase, pour peu que vous soyez un adepte de ces créatures, il est possible qu’un sourire vienne se dessiner sur votre visage. Ce fut le cas pour moi, et à la fin du résumé, je me suis dis que si l’auteur arrivait à donner à son premier opus la tournure désirée, il en ressortirait un plaisir certain à la lecture.

Sans appréhension, je me suis plongé dans cet univers qui se veut original, mêlant à la fois un côté sombre, semi-tragique, et un côté bien plus désopilant, décalé. L’ensemble du livre, et le sel de ce style d’écriture sont basés sur cette dichotomie. Chacune de ces plumes étant liées au personnage dont Alexis Flamand narre l’histoire. A ma droite, Maek, garçon taciturne, ayant des pensées bien arrêtées sur l’Homme. Et des pensées bien peu élogieuses envers sa tribu. En effet, quel intérêt pour lui de baser sa vie de paysan sur les techniques les plus abouties pour récolter la vénérable nourriture provenant du champ de blé carnivore. Se nourrir et nourrir les autres membres du village, c’est utile, mais pourquoi se borner à cette région et ne pas vouloir aller voir plus loin, et aller à la rencontre d’une certaine école d‘exécuteurs… Froid et calculateur, c’est tout au long du roman que nous suivrons les pas de ce petit qui ne demande qu’à devenir grand. Et c’est bien que l’auteur ait varié ses chapitres en jonglant avec les deux personnages principaux. Non pas que le destin de Maek ne soit pas intéressant, bien au contraire, et je pense qu’il prendra d’autant plus d’ampleur dans le 2ème tome, mais c’est que le lecteur s’attend tellement à du burlesque que la transition peut parfois être un peu rude. C’est néanmoins un passage obligé, mais loin d’être désagréable qui permet de rendre compte d’un contexte bien plus… renversant qu’il n’y paraît. Le chapitre 10 (page 149) est en cela un des moments forts du roman. Il concentre en quelques pages ce que j’ai apprécié durant toute ma lecture. Une densité bien plus prégnante que présupposée, et un dialogue loufoque entre-qui-vous-verrez qui relance de fort belle manière le scénario.

Transition toute trouvée pour évoquer maintenant le « à ma gauche », Jonas Alamänder, plus couramment appelé Jon. Changement de décors, changement de contexte, changement de plume. Jon est un questeur, autrement dit un magicien spécialisé dans les investigations où la magie est l’arme du crime. Et c’est dans la grande cité de Kung-Bohr, où il y sera amené par l’intermédiaire de deux soldats que nous allons suivre l’enquête dont il aura la charge. Et force est de constater que les passages (qui sont les plus nombreux) avec ce personnage donnent une toute autre aura à ce roman. Le côté comique n’est pas tant directement lié à Jon, puisqu’il reste après tout un enquêteur consciencieux et méthodique, qu’à la façon dont il a de rendre compte d’une situation, et notamment par le biais des différents protagonistes qu’il croisera. Le premier d’entre eux est pour le moins un exemple probant, son « animal de compagnie », ou servant/esclave est le fruit d’un appel de démons raté par notre mago. Il a comme fâcheuse habitude de manger tout ce qui lui passe sous les yeux, ce qui laisse présager d’états cocasses. Retzel a en outre un humour bien cynique, et les joutes verbales sont parfois très fleuries. De la même manière, ce Retzel se verra offrir un compagnon de voyage où les situations grotesques mais sympathiques viendront aiguiller la venue dans la cité dudit crime. Je n’ai pas une grande connaissance de l’humour à la Pratchett, n’ayant lu que seulement le premier opus des Annales du Disque-Monde, pour autant, je trouvais certaines similarités entre le côté décalé de ces deux auteurs. Ce qui m’a conforté dans cette analyse, outre l’aspect je-parodie-et-me-moque de la magie, c’est l’interview que l’on peut retrouver d’Alexis Flamand sur le site du livre (notez sur Google « Cycle d’Alamänder » et vous tomberez sur le site officiel). Qu’il s’agisse justement de son attrait pour Terry Pratchett & Co., de sa vision à lui de la fantasy, de son parcours, vous comprendrez mieux le parti pris de l’auteur. Un autre exemple est sa manière scientifique d’expliquer certains phénomènes, qui vient pour grande partie de ses études en biologie. Enfin, bien que le cadre scénaristique, qu'intrigue et rebondissements soient déjà posés, il ne s’interdit aucune excentricité pour relier les différentes étapes. Ce qui rend fantasmagorique la lecture, sans pour autant remettre en cause la cohérence du schéma originel. Un dernier exemple se situe à la fin de l’ouvrage. Je peux vous le narrer sans spoiler, mais sachez qu’après ce premier épisode, l’auteur prend le temps de faire un debrief avec ses personnages, savoir ce que ces derniers ont pensé de l‘aventure, comment ils la voient évoluer, leurs désirs, leurs craintes… Ce n’est pas forcément utile à la compréhension, mais moi, c’est le genre d’éléments qui me font accrocher et donne un autre regard à l‘ensemble.

« Le T’Sank », premier tome du Cycle d’Alamänder nous propulse dans l’ambiance onirique d’Alexis Flamand. Les destins liés des différents personnages nous sont dépeints avec fantaisie et méthode. Univers riche et original, savant mélange d’aventure et d’enquête policière, le second tome est attendu pour confirmer les attentes d’une certaine Petite Prophétie™ du chapitre 10...

SebO

CRITIC - Note 7.5/10 - Accès à la revue