La Nef Céleste est le troisième et dernier tome du
Cycle d'Alamänder d'Alexis Flamand. Vous pouvez retrouver
ici et
là mes critiques des premiers volumes. Soyez prévenus, il m'est impossible d'aborder le précédent article sans spoiler allègrement ces derniers.
J'ai entamé la Nef Céleste avec un plaisir certain, mais aussi une petite crainte au ventre, celle de retrouver le "défaut" qui m'avait gêné auparavant : la (trop) prolifique imagination de l'auteur dans une histoire (trop) pleine d'action. Ce n'est pas du tout le sentiment que je peux avoir en temps normal en qualifiant ça de "dommage" et pourtant...
Le livre commence par un récapitulatif succinct mais surtout culotté (pour ne pas dire totalement barré) des précédents volumes. Pour rappel, le mage Jonas Alamänder s'était retrouvé de sans-abris à enquêteur royal, puis victime de (nombreuses) machinations, ballotté par les Dieux, exilé, repêché in-extremis et enfin embarqué avec quelques amis dans une citadelle flottante de mages totalement extravertis avant de faire connaissance avec son fils. Ha ! Et aussi le royaume qui servait de siège à la plupart des événements pré-cités a été totalement ravagé. Et la toute puissante guilde des assassins T'Sank qui ont composé une petite moitié du récit s'est vue amputée lors du massacre de la main de son fondateur, le redoutable Maek.
Oui... on ne s'était pas ennuyé,... ça vous revient, maintenant ?
On replonge rapidement dans le bain, tandis que Jonas - pour garder sa liberté dans un monde qui veut vraiment lui mettre le grappin dessus - reprend du service en tant qu'enquêteur pour résoudre un cambriolage apparemment impossible dans une cité gouvernée par la magie.
Je me dit alors qu'on allait reprendre quelques ingrédients du premier tome en inversant la recette ce coup-ci avec une société en totale opposition à la première. Il y a un peu de ça !
Après pas mal de péripéties, des émotions fortes, complots, révélations surprenantes, la présentation-éclair d'une fascinante société aux tabous débridés et au pragmatisme vicieux, sans oublier les âneries de Retzel le démon... la situation explose quasi-littéralement. Il me semblait qu'on en était à 3 ou 4 tomes de péripéties dans une histoire normale, mais ça ne fait que 200 pages que j'ai commencé le livre. Mince !
Cette critique comporte déjà bien trop d'énumérations aussi je vais couper court. Comme l'auteur d'ailleurs qui fait prendre un virage à 90° à tout son récit. C'est fou ce qu'il arrive à mélanger les genres avec son imagination débordante. On commence sur de la fantasy avec de la magie, on fricote régulièrement avec l'humour au milieu d'une enquête policière qui vire à la révélation de film d'horreur. Soudain c'est la guerre qui nous propulse on ne sait trop comment dans un livre d'anthropologie passionnant au milieu "d'aliens" fouteurs de baffes. En passant on aborde de grandes questions sur la morale et le cheminement de l'humanité, sa place dans le monde... On poursuit avec des périples d'assassins incroyables, de l'exploration spatiale et... STOOOP !
Il y a beaucoup de choses à dire sur la Nef Céleste, mais la grande claque pour moi est survenue vers le milieu du tome quand tous les éléments se sont véritablement mis en place. Les allusions ont prises un sens, plusieurs détails comme le rôle de l'improbable Retzel, le système de magie quasi-informatisé et le rôle de notre héros ont finalement été dévoilés... A ce moment là je me suis dit : "Bravo M. Flamand. Bravo !".
J'ai beaucoup de livres dans ma bibliothèque (on joue tous de temps en temps à qui a la plus grosse, même en lecture... peut être surtout en lecture ?) pourtant j'ai été surpris plus d'une fois. Intrigué à outrance, j'ai interprété à tord et à travers pour tenter de tout comprendre avant qu'on me l'explique. Je croyais avoir vu l'essentiel : j'avais tord !
Le "défaut" du tome précédent d'excès d'aventure est justifié. De même que certains passages comme le loooonng entraînement de Maek. Tout était planifié depuis le début. Alors oui, certes, dans toutes ces aventures rocambolesques on perd de vue certains personnages attachants. C'est vrai. Je les ai regretté... un temps.
En effet : les héros, s'ils sont impressionnants, se sont pourtant détachés petit à petit à mes yeux. D'habitude j'aime les bons livres de fantasy parce qu'ils servent de prétexte à d'excellents personnages - et c'est encore mieux s'il y a du drama. Ici, je me suis rendu compte que les personnages ne m'importaient plus vraiment. Je n'avais plus d'empathie pour eux. Mais c'était sans importance, car c'est l'histoire qui m'a scotché.
Passé un certain stade, j'ai arrêté de me poser des questions intelligentes comme "tiens, ça fait longtemps qu'on a pas entendu parler de untel, quelle plan foireux peut-il bien faire qui va tout bousculer ?". Non, je me suis arrêté et j'ai tout simplement savouré ces 700 pages d'une épopée qui donnait l'impression d'en faire 7 000 (dans le bon sens du terme).
Je regrette toujours un peu mes personnages si attachants du début. Car ce qu'ils ont gagné en grandiose et époustouflant il l'ont peut être perdu en capital sympathie. J'avais fait le même genre de remarque concernant les Annales du Disque-Monde de Pratchett (qui est surement plus drôle, parfois plus loufoque, mais jamais aussi prenant). Il est impossible de se concentrer sur tous les aspects que l'on voudrait voir figurer dans un livre. Au vu du résultat, je ne suis pas déçu, la Nef Céleste est définitivement un grand livre.
La trilogie d'Alamänder c'est une claque magistrale de l'imagination. Tous ne vont pas supporter le choc de la rencontre. On ne sait pas toujours sur quoi on va retomber, mais mince, on la sent passer !